Fête des Cires à Salé au Maroc : Tradition et Célébration

La ville de Salé, nichée au bord de l’océan Atlantique sur la rive droite de l’embouchure du Bouregreg, face à la capitale Rabat, est riche d’un patrimoine historique et culturel exceptionnel. Parmi les événements qui animent cette cité, la « Fête des Cires » (Dour chmaâ) se démarque par son originalité et sa profondeur, tant sur le plan historique que culturel. Cette procession ancestrale, célébrée chaque année à l’occasion de la naissance du prophète (Aïd Al-Mawlid), illumine les rues de Salé. Cet article explore l’histoire, les significations spirituelles et culturelles et l’impacte économiques de cette tradition emblématique.

I. Histoire de la Fête des Cires

A. Les Origines

Les racines de la Fête des Cires remontent au sultan Ahmed Al Mansour Adaâhbi, de la dynastie saadienne, qui régna de 1578 à 1603. Fasciné par une procession de cierges observée lors de son exil à Istanbul entre 1557 et 1576, il décida d’importer cette tradition ottomane au Maroc. D’abord instaurée à Marrakech, elle fut ensuite étendue à l’ensemble du royaume. C’est en 1569 que Salé organisa son premier Moussem, devenant par la suite l’unique ville marocaine à perpétuer cette célébration avec une telle ampleur.

B. La Confection des Cires : Un Art Ancestral

La préparation des cierges, cœur de la fête, est confiée à la famille Belkbir, qui détient ce monopole depuis des générations. Un mois et demi avant l’événement, ce travail minutieux débute par la sélection de la cire, séchage, fonte, coloration, puis coulage dans des moules préparés. Cet artisanat, financé par la mairie de Salé à hauteur de 8 000 dirhams (800 €), exige un savoir-faire précis, transmis intact au fil du temps. Si les techniques restent immuables, les décorations évoluent chaque année, intégrant des ornements modernes pour refléter l’air du temps. Vous pouvez voir une vidéo de la procession des Cires de Salé pour mieux comprendre l’ampleur de cette tradition.

II. Signification spirituelle

A. Le Mawlid al-nabawi : Lumière et Piété Populaire

La célébration de la naissance du prophète (al-mawlid al-nabawî) est apparue pour la première fois au XIIIème siècle. Fête non canonique, le mawlid est accepté comme une bonne coutume (sunna). Jour férié au Maroc, le mawlid est aussi la fête des lumières, celles des bougies et des guirlandes qui agrémentent maisons et mosquées .Elles renvoient à la croyance principale qui orne les récits de la naissance du prophète Mohammed : celui de la préexistence d’une lumière prophétique à partir de laquelle le monde a été créé. Cet événement est marqué par des démonstrations ostentatoires de la piété populaire : veillées religieuses, visites aux tombes et aux sanctuaires où sont enterrés les saints, festivités, distributions d’aumônes.

B. la Procession : Symbolisme et Esthétique

La procession de cierges obéit toujours à une logique rituelle, ainsi qu’à des règles de conduite codées et symboliques. Elle donne aux liens les plus prosaïques et aux convenances les plus communes un cachet sacré, parce que cet événement les charge de sens. Elle se veut avant tout une célébration se déployant selon une esthétique précise. C’est la conjugaison de culte, de mysticisme et de célébrations orientées vers le divin. C’est alors un immense carnaval de couleurs, de bruits, de prières, de litanies, de banderoles. Une foule bigarrée qui s’agglutine, qui regarde, qui contemple, qui écoute. La procession de cierges est une forme de piété qui a profondément marqué la ville de Salé, axée sur la personne du prophète Mohammed.

L'image montre une bougie allumée dans un environnement sombre. La bougie est de couleur rouge et sa flamme est petite mais bien visible, émettant une lumière chaude et vacillante. À l'arrière-plan, on peut apercevoir quelques petites lumières vertes floues, qui pourraient être des décorations lumineuses. Le contraste entre la flamme de la bougie et l'obscurité environnante crée une ambiance chaleureuse et intimiste, tandis que les lumières vertes ajoutent une touche festive ou décorative à la scène.

III. La Cérémonie et la Signification Culturelle

A. La Cérémonie : Une Procession Solennelle

La veille de l’Aïd Al-Mawlid, après la prière d’Al-Asr, le Moussem des Cierges s’ouvre par une procession vibrante de ferveur. Menée par les descendants du saint Sidi Abdellah Benhassoun, elle réunit oulémas, prédicateurs, porteurs de cierges et habitants. Le cortège traverse les grandes artères de Salé, de la place Achouhada (Bab Bouhaja) jusqu’au mausolée du saint patron. Les cierges, véritables chefs-d’œuvre aux alvéoles multicolores, illuminent les rues, symbolisant une dévotion populaire empreinte de beauté.

B. Signification Culturelle : Un Lien Communautaire

La procession des cierges, orchestrée par la Zaouïa Hassounia, repose sur une mobilisation collective et un héritage préservé. Elle renforce la cohésion sociale en fédérant bénévole et participante autour d’une tradition séculaire. Musique et danses folkloriques animent également l’événement : groupes régionaux et musiciens traditionnels plongent les spectateurs dans une expérience immersive. Ainsi, la Fête des Cires célèbre l’identité marocaine tout en assurant la transmission d’un patrimoine culturel précieux. Pour en savoir plus sur les festivals marocains, y compris la Fête des Cires, vous pouvez consulter cet article.

IV. Impact Économique et Conclusion

A. Impact Économique : Une Vitrine pour Salé

Au-delà de sa dimension spirituelle, la Fête des Cires dynamise l’économie locale. Elle attire des visiteurs nationaux et internationaux, générant des revenus pour les commerçants et les acteurs du tourisme. Cet événement met en lumière l’artisanat traditionnel, offrant à Salé une opportunité de promouvoir ses produits et son patrimoine immatériel. En soutenant cette célébration, les autorités locales favorisent le développement durable du tourisme et la valorisation des savoir-faire ancestraux.

B. Conclusion : Une Célébration Intemporelle

Bien plus qu’une tradition, la Fête des Cires est une plongée dans un univers de spiritualité et de splendeur. Le cortège, illuminé par des cierges éclatants, résonne des chants religieux et des « you you » des femmes, l’atmosphère est enveloppée de parfums enivrants. Cette célébration, qui unit des milliers d’habitants, incarne la piété, et la joie collective. Elle laisse une marque indélébile dans les mémoires, témoignant de la richesse d’un héritage que Salé continue de faire vivre avec ferveur.